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Non, le Conseil constitutionnel n’a pas autorisé les squatteurs à poursuivre le propriétaire d’un logement mal entretenu

Après la censure d’un article de la loi « antisquat », le 26 juillet, plusieurs élus de droite et d’extrême droite avaient relayé une mauvaise interprétation de la décision.

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Publié le 01 août 2023 à 08h43, modifié le 01 août 2023 à 09h22

Temps de Lecture 3 min.

« Désormais un squatteur peut poursuivre un propriétaire s’il ne vient pas entretenir son logement. Où va-t-on ? La prochaine étape c’est de leur remplir le frigo ? », s’est indigné Louis Aliot le 28 juillet. Le vice-président du Rassemblement national réagissait à la censure par le Conseil constitutionnel, deux jours plus tôt, de l’article 7 de la loi « antisquat », visant à libérer le propriétaire d’un bien squatté de son obligation d’entretien et à l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien.

Une colère partagée par le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, son homologue de Reconquête !, Eric Zemmour, et le patron (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, qui ont dénoncé pêle-mêle une décision « invraisemblable », « incompréhensible et kafkaïen[ne] », prise par des « grands juges [qui] persécutent les propriétaires et protègent les squatteurs ».

A l’appui de leur indignation, ces quatre responsables politiques de droite et d’extrême droite ont partagé un article du Figaro Immobilier titré « Un squatteur peut attaquer le propriétaire si le bien est mal entretenu ». Relayé, moins subtilement, par plusieurs titres de presse comme le Midi Libre, cet article a pu laisser croire que la décision du Conseil constitutionnel allait changer le cadre légal sur le squat. Ce qui n’est absolument pas le cas.

Face à l’avalanche de réactions outrées, le Conseil constitutionnel a dénoncé, samedi, « les fausses interprétations » de sa décision par « divers commentateurs », en rappelant que « la censure de l’article 7 de la loi [« antisquat »] a pour seul effet de maintenir l’état du droit en ce domaine », en laissant l’article 1244 du code civil inchangé.

Contrairement à ce qui a pu être dit, il n’est pas ici question de travaux d’entretien devant être réalisé par un propriétaire pour proposer un logement salubre, mais des cas où la dégradation sérieuse d’un bâtiment pourrait causer un dommage, dont il faudrait indemniser les victimes. Cet article du code civil prévoit en effet, depuis l’époque napoléonienne, que les propriétaires sont responsables des dommages causés par leur bien, si celui-ci est en ruine.

« Une exonération de responsabilité trop large du propriétaire »

Autre information erronée : le Conseil constitutionnel n’a pas censuré l’article 7 de la loi « antisquat » pour protéger les squatteurs, en leur permettant d’exiger un meilleur entretien du logement de la part des propriétaires. Sa décision est motivée par le fait que cet article risquait de porter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice.

L’article 7 prévoyait d’exonérer le propriétaire d’un bien squatté de la responsabilité d’un dommage à un tiers résultant d’un défaut d’entretien. La victime d’un accident causé par la chute d’une tuile ou d’un morceau de façade aurait donc dû chercher réparation auprès des squatteurs. Or, ces derniers peuvent être difficiles à identifier, sont pour la plupart dans une situation matérielle précaire et « ne présentent pas les mêmes garanties que le propriétaire, notamment en matière d’assurance », a estimé le Conseil constitutionnel. En d’autres termes, mieux vaut qu’il y ait un débiteur solvable pour indemniser les victimes.

De plus, les propriétaires auraient été exonérés de responsabilité pour tout dommage survenu au cours de la période d’occupation illicite, sans qu’il soit exigé que la cause du dommage soit liée au défaut d’entretien imputable au squatteur, et sans avoir à démontrer que cet occupant illicite ait fait obstacle à la réalisation des travaux. « Ce que le Conseil constitutionnel censure, c’est une exonération de responsabilité trop large du propriétaire », commente Thomas Lyon-Caen, avocat à la Cour de cassation.

Cette censure ne prive en rien le législateur de faire passer une autre réforme, qui aménagerait « la répartition des responsabilités entre le propriétaire et l’occupant illicite », comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel. « Le fait que le texte ne fasse pas la distinction entre les tiers victimes et l’occupant illicite a suffi à censurer la disposition, estime Me Lyon-Caen. Si le législateur veut changer ça, il faudra qu’il le fasse de manière plus subtile. »

Une protection sous condition des squatteurs en cas d’accident

Avant même la décision du Conseil constitutionnel, certains commentateurs dénonçaient une législation trop protectrice des squatteurs. Ils s’appuyaient pour cela sur un dossier – rarissime – dans lequel une femme avait réussi à obtenir une indemnisation des propriétaires de l’appartement qu’elle squattait, après avoir chuté du premier étage à la suite de la rupture du garde-corps du balcon.

Après neuf ans de procédure, cette femme a obtenu, en septembre 2022 un arrêt favorable de la Cour de cassation, qui a estimé que les propriétaires étaient responsables « lorsqu’il est établi que l’accident (…) résulte du défaut d’entretien de l’immeuble », même si le logement était squatté. En clair, selon la juridiction suprême, la faute consistant uniquement à occuper illégalement un logement n’exonère pas le propriétaire de sa responsabilité d’entretenir son bien pour en éviter la ruine, prévue par l’article 1244 du code civil.

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« On est sur une responsabilité de plein droit : quand il y a défaut d’entretien, le propriétaire est automatiquement responsable, sauf s’il arrive à prouver que la victime elle-même a pris un risque démesuré ou qu’elle avait fait obstacle aux travaux », commente Me Thomas Lyon-Caen, avocat de la victime dans ce dossier. Un propriétaire qui démontrerait que son logement était en bon état avant son squat pourrait donc échapper à l’obligation d’indemniser la victime.

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