Ani (le prénom a été changé), 37 ans, a fui l’Arménie avec son mari et leurs enfants. Elle n’a pas de papiers, ce qui lui interdit de travailler légalement, mais elle s’est mise au bénévolat peu après son arrivée en France, en 2020. Elle aide à la distribution alimentaire pour les Restos du cœur, et à la vente chez Emmaüs. « Pour moi, c’est une manière d’avoir de l’expérience, de montrer que je travaille pour les papiers et pour apprendre la langue. Quand on est à la rue, cela permet aussi d’aller quelque part », explique-t-elle.
Il n’existe pas de chiffres permettant de mesurer la part des bénévoles demandeurs d’asile ou sans-papiers au sein des associations de solidarité. « Sans eux, certains centres de distribution alimentaire auraient du mal à fonctionner, et beaucoup de personnes âgées seraient plus seules », estime néanmoins Michel Lefranc, qui travaille depuis 2017, pour l’association France bénévolat, à l’inclusion des personnes migrantes dans le tissu associatif.
Au Secours populaire de l’Essonne, « ils représentent 10 % à 15 % des bénévoles présents chaque jour, mais ils se distinguent en venant plus souvent et plus longtemps chaque semaine. Et ils sont volontaires pour les tâches difficiles, comme la manutention dans les entrepôts », témoigne le directeur général de cette fédération, Olivier Grinon. Selon Nicolas (le prénom a été changé), un autre responsable associatif, « les sans-papiers et demandeurs d’asile sont assez peu dans les zones rurales, mais ils peuvent représenter jusqu’à la moitié des bénévoles dans les grandes villes où les régulations sont un peu moins rares ».
Beaucoup ont été orientés vers une association parce qu’ils avaient besoin d’une aide alimentaire ou de vêtements, avant de s’y impliquer à leur tour. Souvent à leur demande. « On leur propose de devenir bénévoles, parce que cela leur permet de rompre leur isolement, de mieux connaître la langue et la société française, précise Jean Stellitano, secrétaire général du Secours populaire des Alpes-Maritimes. Dans notre restaurant solidaire, je vois s’ouvrir et sourire, chaque jour un peu plus, un couple d’Ivoiriens, dont on devine le parcours marqué par les souffrances. Mais le bénévolat n’est pas une contrepartie de l’aide : celle-ci est inconditionnelle. »
« Se montrer utiles »
Selon la sociologue Hélène Bertheleu, qui a mené une étude en 2020 à Nantes auprès d’exilés devenus bénévoles, « il s’agit pour eux de se sentir utiles, mais aussi de se montrer utiles : se mélangent le besoin de ne pas être oisif, de s’insérer dans la société et une injonction des politiques publiques à être méritant, dans un contexte de xénophobie, de sélection des migrants – ils se voient ainsi expliquer par les associations de demandeurs d’asile et les avocats que le bénévolat est un plus dans leur dossier de régularisation ».
Il vous reste 38% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.